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Le slogan du Groupe Wilders est : "Les Pays-Bas doivent durer." - Le Monde

Een groot profiel van Geert Wilders vandaag op de voorpagina van de Franse kwaliteitskrant Le Monde "Je ne suis pas contre l'Europe, mais contre trop d'Europe. Nous n'avons pas besoin d'une Constitution pour collaborer sur le plan économique ou judiciaire."

Geert Wilders, le non version néerlandaise

LE MONDE | 31.05.05 | 14h24

Au dernier étage du Binnenhof, à la chambre des députés de La Haye, au fond du dernier couloir, quatre gardes du corps, costume strict, oreillette vissée et carrure de triathlètes, sont assis sur des chaises trop étroites. Ils veillent, en feuilletant des tabloïds, sur la porte d'une petite pièce sous les combles. Au fond de ce secrétariat aux allures de réduit, une autre porte, renforcée d'un panneau qui filtre le bruit et peut arrêter les balles. Geert Wilders, chevelure blond platine coiffée vers l'arrière, complet sombre, chemise blanche et cravate orange ­ la couleur de la monarchie ­, semble trop grand pour ce bureau où le beau soleil de cette fin du mois de mai ne pénètre que par une lucarne.

 
La sécurité est maximale autour du député depuis l'assassinat du cinéaste Theo Van Gogh, en novembre 2004. Le nom de M. Wilders figurait sur la liste des cibles du groupe islamiste "Hofstad" , comme ceux d'Ayaan Hirsi Ali, élue du parti libéral (VVD), et du maire travailliste d'Amsterdam, Job Cohen. Peut-être parce que l'une des formules favorites du leader populiste est : "L'islam n'est pas conciliable avec la démocratie." Il a, en tout cas, reçu de 30 à 40 messages menaçants au cours des deux derniers mois, qui se sont ajoutés à des centaines d'autres.

C'est rustdag, jour de repos, pour cet homme politique encore peu connu à l'étranger, mais qui focalise l'attention dans son pays, sans doute parce qu'il semble en mesure de récupérer les voix qui s'étaient portées sur le tonitruant Pim Fortuyn. Après être devenue la formation politique la plus importante du pays, la Liste Pim Fortuyn a été minée par les querelles et l'incompétence des héritiers du tribun de Rotterdam, assassiné par un défenseur de la cause environnementaliste. M. Wilders a délaissé pour vingt-quatre heures le grand autobus bleu aux vitres opaques, avec lequel il sillonne les Pays-Bas pour prêcher le non au projet de traité constitutionnel européen. Les Néerlandais sont convoqués mercredi 1er juin pour le premier référendum organisé depuis plus d'un siècle et, selon les sondages, ils devraient rejeter massivement le texte.

Des plus grandes villes aux plus petits marchés du royaume, Geert Wilders s'est employé à convaincre ses concitoyens à s'opposer à un traité qui, affirme-t-il, n'apportera rien de bon à un pays qui risque d'y perdre un peu plus de son identité, au profit d'un "super Etat" établi à Bruxelles. Le slogan du Groupe Wilders, ce parti fondé en mars et qui ne compte pour l'instant qu'un élu, son fondateur, est : "Les Pays-Bas doivent durer." Apparemment, la formule porte.

"Ce n'est qu'un clin d'œil" , affirme le député lorsqu'on l'interroge sur le sens précis de son slogan. "Je ne suis pas contre l'Europe, mais contre trop d'Europe. Nous n'avons pas besoin d'une Constitution pour collaborer sur le plan économique ou judiciaire." Rencontré quelques jours avant le vote en France, le député se réjouissait de la tournure qu'y avait prise le débat, confortant les adversaires néerlandais du projet. "Tant mieux si nous ne sommes pas les seuls à nous opposer, mais nous sommes suffisamment intelligents pour décider tout seuls" , affirmait M. Wilders.

Sa seule crainte était, à ce moment, qu'un non trop massif exprimé en France ne pousse les Néerlandais à ne pas aller voter. Car les partis gouvernementaux se sont dits prêts à suivre le résultat de ce référendum consultatif à condition que 30 % au moins des citoyens se rendent aux urnes.

Commencée tardivement, sur un mode très mineur, la campagne néerlandaise s'est animée lorsqu'il est apparu que la coalition des partis protestataires, de gauche et de droite, était, pour la première fois, majoritaire dans le pays. Les populistes du Groupe Wilders et de la LPF, les gauchistes du Socialistische Partij (SP), les chrétiens fondamentalistes de ChistenUnie mobilisaient plus autour du non que les trois partis traditionnels (chrétiens, travaillistes et libéraux), rejoints par les Verts, pour prôner un "oui de raison" . S'il concède qu'un non ne serait pas seulement un succès pour lui ­ c'est le SP qui semble avoir surtout le vent en poupe, aujourd'hui ­, Geert Wilders ne peut s'empêcher d'y voir un signe pour l'avenir.

Il pense que les Pays-Bas sont prêts pour le changement radical qu'il prône et qu'il a résumé ­ à l'instar de Pim Fortuyn à la fin des années 1990 ­ dans un livre intitulé Choisissez la liberté et assorti de la "Déclaration d'indépendance" qu'il avait formulée au Parlement. "Une prise de position contre l'élite qui gouverne mal ce pays et n'a pas encore tiré les leçons du meurtre de Pim Fortuyn" , explique-t-il d'une voix douce qui contraste avec le radicalisme du propos. Dissident du VVD, un parti trop hésitant et trop centriste à son goût, cet ancien proche de Frits Bolkestein, pour lequel il rédigea des discours, cite ses références. Bolkestein précisément : "Parce qu'il m'a appris à ne jamais aborder un débat sans de bons arguments" ; Fortuyn : "Un homme malin qui savait parler au peuple" ; Ronald Reagan, qui eut cette formule extraordinaire : "Je suis du gouvernement et je suis à votre service." Mais dans son panthéon personnel figurent aussi Margaret Thatcher, le général de Gaulle et Alexis de Tocqueville. Au total ? "Je suis un conservateur libéral, ferme mais social."

"Nous avons été trop tolérants avec l'intolérance" , affirme Geert Wilders lorsqu'on lui demande de résumer ce qui, selon lui, a déclenché la tempête politique qui secoue les Pays-Bas depuis cinq ans et qui n'a, à l'évidence, pas encore produit tous ses effets. Ses formules-chocs, qui rappellent, elles aussi, Pim Fortuyn, font mouche dans l'opinion. Le sondeur Maurice de Hond estime que plus de 60 % des Néerlandais y sont sensibles et qu'un quart d'entre eux pourraient voter un jour pour Wilders.

"Je veux rétablir un pays libre, sûr et prospère, un pays qui maintienne sa propre identité et en soit fier." Issu de la classe moyenne, il n'oublie pas de prôner une baisse des impôts "pour ceux qui travaillent dur" . A propos de l'immigration, il reprend à son compte la formule de Fortuyn : "Les Pays-Bas sont pleins." S'il dit vouloir l'intégration, il juge cependant utile de fermer les mosquées radicales et les écoles islamiques, de supprimer le droit de vote accordé aux étrangers pour les municipales, de suspendre "temporairement" l'admission des demandeurs d'asile, etc. "Nous devons redevenir une oasis de tolérance et de succès économique" , explique l'ancien étudiant en droit qui sait qu'un non, au soir du 1er juin, serait la première étape d'un parcours qu'il veut fulgurant.

Jean-Pierre Stroobants
Article paru dans l'édition du 01.06.05